Gaz de schiste: sinistre perspective

Le Président de la République française a livré (vendu?) une partie de la France à des multinationales de l’hydrocarbure françaises ou américaines, voire australiennes, Total, GDF-Suez, Schuepbach Energy et quelques autres. En effet, le ministre de l’Environnement a accordé à ces entreprises des permis de prospection entre mars et juillet 2010. Ce qui fut fait dans une totale discrétion.

Nous pouvons savoir comment se passeront les prospections car nous savons qu’elles ne sont pas essentiellement différentes de l’exploitation. La différence, c’est le nombre de forages et leur densité. Mais nous ignorons si les termes de ces permis de prospection permettent le passage automatique à l’exploitation. Si vous avez des informations, merci de les partager en indiquant les sources.

Le gaz de schiste en résumé

L’exploitation du gaz de schiste consiste en forage puis en extraction, jusqu’à 2000 mètres de profondeur, en traversant la nappe phréatique, du gaz qui est enfermé hermétiquement dans les couches de schistes dans le sous-sol.

Voici un résumé au format A4 (à découper en 4 et à distribuer autour de vous) : Gaz de Schiste? Surtout pas!

Le schiste est une roche sédimentaire très répandue sur la planète mais celle qui intéresse les gaziers se trouve enfouie très profondément dans le sous-sol sous le calcaire, par exemple.

Pour extraire le gaz, il faut fracturer les couches de schistes qu’il faut se représenter comme des dalles de béton et non pas comme les couches friables que nous voyons dans les montagnes, sur les chemins ou au bord des routes. Cette fracturation («fracking», en anglais abrégé) se fait en injectant dans le conduit du forage d’énormes quantité d’eau sous pression et plus de 500 produits chimiques, tous nocifs et la majorité toxiques. Il ne doit guère y avoir que le sel de Bore qui soit juste nocif sans être en soi toxique.

Cette exploitation nécessite :

  • des routes larges pour le défilé incessant des camions
  • des quantités énormes d’eau dont seulement 40% est récupérée (et dans quel état ?)
  • des colonnes de camions du genre «35 tonnes» pour transporter tour à tour le matériel, le béton, l’eau, les produits chimiques, le gaz
  • Plus de 500 produits chimiques dont la nature reste suspecte, sinon secrète (voyez plus bas) mais qui sont toxiques

Cette exploitation installe nécessairement de vastes sites tous les 300 mètres environ, avec derrick, réservoirs de gaz, bassin d’évaporation des eaux polluées. De tels sites saccagent les paysages. La pollution des eaux est inévitable. Cette destruction et cette pollution sont avérés aux États-Unis où le gaz de schiste est exploité très intensément depuis 2005. Voyez Gasland, documentaire américain de Josh Fox (lien en bas d’article, dans les sources). Lisez mon compte-rendu : Le film Gasland.

Pour extraire [le gaz de schiste], il est donc nécessaire de forer des puits horizontaux (forage directionnel) à partir d’un puits vertical, puis de fracturer la roche (fracturation hydraulique) par injection d’eau sous forte pression avec du sable fin et des produits chimiques pour éviter que les fractures ne se referment. [— «Le gaz de schiste, entre eldorado stratégique et risque environnemental», Béatrice Héraud, 21/12/2010, novethic.fr]

Paysage avec derrick, US (Marcellus Shale), par Ruhrfish, Wikipédia

Voici maintenant une photo de réservoirs de gaz que j’ai extraite du film Gasland :

Réservoirs de gaz de schiste, Gasland

Sur cette image d’un bout de Wyoming (Jonah Field), colonisé par les gaziers: chaque point blanchâtre est un site d’exploitation du gaz de schiste (source Google Map et Owni.fr) :

Photo des nombreux forages dans le Jonah Field, WY, 2009@Prepared by Raye Levine

Exploitation du gaz de schiste, version plein champ, WY

Colonisation ? j’en parle là-bas : Gaz de schiste: colonisation et nazisme.

Au Québec, les forages ont commencé. Voici «La ruée vers le gaz de schiste», émission de RadioCanada, novembre 2010.
Pour voir cette vidéo et les autres sans aller voir Youtube, suivez le guide: Vidéos sans espionnage.

youtube-dl -f webm https://www.youtube.com/watch?v=3HAkM7DvyD0

Cette vidéo est très intéressante car elle montre bien les camions gigantesques qui vont et viennent, elle donne la parole à un riverain et à un gazier. Pas n’importe lequel comme l’explique le journaliste. Il s’agit de Raymond Savoie, PDG de Gastem qui, pendant 5 ans, fut ministre délégué aux Mines du Québec. Je n’ai pas trouvé les dates de sa fonction ministérielle mais ce doit être il y a longtemps car il paraît beaucoup plus jeune comme ministre que comme gazier coiffé d’un casque de chantier.

À mon avis, le titre de l’émission n’est pas tout à fait approprié car la ruée vers l’or en Amérique a inclus des gens ordinaires, tandis que l’exploitation du gaz de schiste n’est l’affaire que de grandes entreprises d’hydrocarbure. C’est là tout le problème du pouvoir de ces entreprises. La question du présentateur me semble mal posée: “quel prix pour l’environnement?”. Beaucoup de gens se fichent pas mal de la nature. Le gaz de schiste menace aussi la nature mais c’est tout simplement nous qui ne pourront plus vivre, nous êtres humains. Voyez Le film Gasland et Une suite de Gasland.

Suite à la publication d’un rapport d’impacts en décembre 2009, la Ville de New York a interdit tout forage dans la région de 4000 km2 qui approvisionne son aqueduc municipal. Dans ce rapport, le service de l’environnement de la Ville de New York a projeté l’impact de l’exploitation gazière sur 20 ans. Le rapport est on ne peut plus clair, les impacts environnementaux sont énormes et désastreux. Il souligne notamment que chaque opération de fracturation en plus d’utiliser des quantités astronomiques d’eau, utilise «de 80 à 330 tonnes de produits chimiques» souvent gardés secrets. «De ceux qui sont connus, plusieurs sont toxiques pour l’environnement et la santé humaine», note le rapport. [—AQLPA, Québec. aqlpa.com]

Comment ça marche ?

Le site Owni.fr a mis en ligne une simulation de la fracturation hydraulique. Voyez le lien en fin d’article, dans les sources.

Voici aussi une présentation en 120 secondes de l’exploitation du gaz de schiste par MrGeeome, un Québécois plein d’humour ;-) :

youtube-dl -f webm https://www.youtube.com/watch?v=uV0zXnUilW4

Analyse géopolitique

L’exploitation du gaz de schiste a comme prétention économique et politique de nous libérer de l’emprise de l’Iran ou de la Russie, gros producteurs de gaz naturel. Mais c’est surtout un moyen de contrôler le cours du gaz et ainsi de peser sur les autres pays producteurs.

On a donc eu le pétrole et tous les problèmes politiques et écologiques qui vont avec. On a d’ailleurs toujours le pétrole pour encore une quarantaine d’années, et maintenant, on va recommencer la même cochonnerie avec le gaz de schiste. Seulement, nous nous en ficherions un peu si ça se passait encore en Irak ou en Arabie Saoudite, ou même en Algérie. Mais maintenant, ça arrive chez nous (France et Europe) et à une échelle probablement encore plus grande.

Une industrie formidable

L’exploitation du gaz de schiste ne peut qu’entraîner l’enthousiasme du monde des industriels. Quelle belle collaboration en perspective, que de contrats juteux ! Il y a de bonnes affaires pour tout le monde : les constructeurs de camions, les industriels de la métallurgie et de la sidérurgie, les fabricants de béton, les labos de produits chimiques (coucou Monsanto et les autres), les compagnies pétrolières (pour les routes, il faut du bitume, et pour les camions du gazoil, hurrah), et enfin des membres des gouvernements, des élus à divers niveaux. Et c’est un cycle infernal de nouveaux puits, donc toujours plus de matériel et de camions, de permis (avec les pots-de-vin affairants). On s’en pourlèche les babines.

Voyez l’étendue de l’exploitation du gaz de schiste aux États-Unis sur le site de Gasland. Cliquez sur «Drilling Areas».

Comparez avec le ridicule de l’énergie solaire. Même si les panneaux solaires utilisent des métaux rares, du bon matériel dure 20 ans et ne sollicite pas la collaboration d’autant de beau monde.

Produits chimiques et propriété intellectuelle

C’est facile d’introduire des produits chimiques interdits dans un pays. Il suffit d’importer une tomate par exemple italienne. Le Canard Enchaîné a publié un article dressant toute une liste de produits chimiques interdits en France qu’on ingurgite en mangeant des produits agricoles importés légalement. Les importations de tomates italiennes allant de soi dans notre communauté européenne, l’importation du produit chimique qui est dessus ou dedans, va de soi.

En ce qui concerne les produits chimiques utilisés pour la fracturation du schiste, c’est encore plus simple. Il ne s’agit même pas d’importation. Aux États-Unis, les entreprises de gaz de schiste achètent ces produits qui sont sans doute fabriqués dans le pays. La composition de ces produits est tenue secrète. Vous savez, c’est toujours au nom de la propriété intellectuelle. Les gens qui militent pour les logiciels libres et la culture libre sont au courant des dégâts que cause cette idée de propriété intellectuelle exacerbée et sans partage. Grâce à la sacro-sainte propriété intellectuelle, les industriels du gaz de schiste peuvent introduire des produits chimiques absolument interdits. Ils contournent ainsi les lois sur l’environnement. À ce sujet, voyez le témoignage de Theo Colborn, endocrinologue, dans le film Gasland (Le film Gasland).

Il est vrai que l’EPA (Agence américaine de Protection de l’Environnement), mandaté par le Congrès américain, a exigé que les 9 plus grands entreprises du secteur envoient des informations précises sur les produits chimiques et les techniques de fracturation (source, Wikipédia). C’était en septembre 2010. L’article de Wikipedia ne parle pas du résultat de cette enquête. Si j’ai bien compris un passage dans Gasland, les gaziers ont mis fin à la plaisante enquête.

Sous-sol et propriété

En France, l’État est propriétaire du sous-sol, ce qui a sans doute donné l’impression au Chef de l’État qu’il pouvait le vendre de son propre chef.

Mais qui nous dit que les permis ne vont pas permettre aussi un transfert de droit de propriété vers les entreprises gazières ?

En attendant, je m’en vais regarder Gasland dont je n’ai eu le temps de voir que les extraits sur le site du film…

Voilà, j’ai fait mon compte-rendu : Le film Gasland.


Sources : Voyez la page: Liens – gaz de schiste.

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