Une loi fracturation hydraulique pour se foutre de nous (mai-juin 2011) – révoltez-vous!

La loi qui va bientôt être votée en urgence à l’Assemblée nationale est une énorme entourloupe que Muriel Bodin, avocate, a décryptée pour nous tous, le 17 avril 2011, dans son long article «Comment faire exploser une démocratie au gaz de schiste».

Cette loi n’est pas conforme au droit constitutionnel, donc elle sera attaquée par les gaziers devant le Conseil Constitutionnel qui leur donnera raison.

L’abrogation des permis de recherches ne peut être faite que par le gouvernement, qui s’en garde bien et nous jette à la tronche une loi qui est du vent.

Mille mercis à Muriel Bodin pour son texte et aussi à Oly13 qui l’a trouvé. En avant toute pour quelques explications bien nécessaires à la plupart d’entre nous.

L’article de Maître Muriel Bodin montre comment le gouvernement se sert du Parlement, «avec l’aval, voire la complicité d’une opposition politicienne», pour contourner la résistance forte et imprévue des gens ordinaires au gaz de schiste. L’expression «une opposition politicienne» me paraît vouloir désigner des élus de tous bords et des membres du gouvernement opposés à la perspective du gaz et de l’huile de schiste et non pas seulement une partie de l’opposition parlementaire.

Projet de loi

L’article a été écrit bien avant le passage du projet de loi en commission parlementaire mais l’analyse est valable et j’ai rajouté quelques précisions plus à jour.

C’est le projet de loi déposé par un député UMP de Seine-et-Marne qui a été retenu. Il est examiné en procédure d’urgence, selon la décision du gouvernement. Donc, l’examen du projet de loi est limité à une seule lecture par l’Assemblée puis par le Sénat et avant fin juin 2011, l’interdiction d’exploitation du gaz et de l’huile de schiste selon la méthode de fracturation hydraulique sera interdite.

Probablement, le texte voté n’interdira pas du tout l’exploration ni l’exploitation si les gaziers peuvent dire (en mentant?) qu’ils n’utilisent pas de sales techniques.

Une loi et un gouvernement

Le Premier Ministre a affirmé dans le même élan deux choses plutôt contradictoires:

  • une exploitation dans les conditions d’octroi des permis ne sera pas possible
  • la recherche doit se poursuivre

L’auteur explique:

On passera donc du permis d’exploration qui sera interdit au permis de recherches qui sera permis, au nom de l’innovation scientifique, etc. (…) Cela tombe bien car, le code minier nouveau ou ancien ne mentionne que le permis de recherches; de permis d’exploration, il n’en existe point!

Il n’y a pas de permis d’exploration dans le code minier. En revanche, l’expression «permis de recherches» (au pluriel) est employée.

Voici donc la «première subtilité» gouvernementale qui permet au Parlement «de voter sur un élément de droit qui n’existe pas…». On est donc dans l’illusion magique.

Code minier et droit constitutionnel et administratif

Nous savons tous que la base de notre démocratie est la séparation entre l’exécutif (le gouvernement, c’est-à-dire l’ensemble des ministres et le Président de la République) et le législatif (Parlement).

En ce qui concerne le Code minier, «le Législateur (Parlement) a donné délégation au pouvoir réglementaire (Gouvernement) de moderniser» ce texte. Ensuite, le pouvoir exécutif doit présenter son travail au Parlement qui doit le valider à travers une loi de validation.

Cette loi de validation transforme l’ordonnance, acte réglementaire fait sans débat et sans contrôle de constitutionnalité, en loi à valeur législative.

La proposition de loi prévoit donc l’abrogation des permis d’exploration pour le gaz et l’huile de schiste ainsi que l’interdiction de leur exploitation par fracturation hydraulique, alors que l’ordonnance qui réforme le code minier n’a pas été validée par le Parlement.

La proposition de loi ne prévoit pas l’abrogation de l’ordonnance du Code minier.

Le Code minier et la loi

Nous avons donc affaire à «une proposition de loi qui se propose d’abroger une ordonnance, celle qui réforme le code minier en l’occurrence, qui est juridiquement» invraisemblable. [Y a pas un type une fois qui a dit «Abracadabrantesque»?]

En effet, il s’agit d’une ordonnance non ratifiée, non validée, donc n’ayant pas encore valeur législative. Il faudra donc expliquer comment des parlementaires peuvent abroger un acte règlementaire [fait par le pouvoir exécutif] dans un texte de loi. Qu’ils refusent de ratifier une ordonnance, d’accord, mais l’abroger avant ratification, c’est d’une créativité juridique assez inédite et donc condamnable.

En savoir plus sur la récente Modernisation du code minier.

Donc, que va-t-il se passer après le vote de cette loi? Elle va être censurée par le Conseil Constitutionnel qui sera saisi par les gaziers détenteurs de permis de recherches ou par des sénateurs et par des députés favorables aux gaziers.

Lisez la suite: Loi scélérate mai-juin 2011.

Solution juridique

Le gouvernement peut très bien abroger les permis sans payer d’indemnisation. En effet, il est possible de

[retirer] des permis pour des raisons qui tiennent à des raisons de sécurité et sur la base de la violation de la convention d’Aharus: les permis n’auraient pas été délivrés si celui qui les avait octroyés avait eu connaissance des informations dont il a eu connaissance mais après coup et pas par les dites sociétés elles mêmes. Ces informations ont été volontairement dissimulées. Les permis ne sont pas illégaux; ils sont le résultat d’une fraude aux fins de leur obtention. Le retrait est alors possible sans délai pour des raisons tenant à la santé, la sécurité et la salubrité publiques. Et ce, sans indemnisation car «Nul ne peut arguer de sa propre turpitude pour arguer d’un droit à réparation de son préjudice». Les sociétés détentrices des permis n’ont pas donné toutes les indications techniques et environnementales permettant d’éclairer de façon fiable et honnête le ministère qui a délivré les permis.

Le ministère pourrait déjà, sans attendre la loi, abroger les permis d’exploiter sur la base de la Charte de l’environnement et de la directive 85/337.

Quand la Ministre de l’Écologie nous racontait que les permis ne pouvaient pas être abrogés, elle nous mentait sereinement ou elle ne connaît pas le droit: Douces paroles de la ministre de l’Écologie.

Il faut donc demander à nos députés et sénateurs qu’ils demandent au gouvernement de retirer les permis accordés et qu’ils votent une loi [selon laquelle] aucune loi et aucun acte réglementaire ne pourra être votée sans qu’un bilan coût/avantages par rapport à la Charte de l’environnement (qui a valeur constitutionnelle) ne soit débattu (nationalement ou localement) puis rendu public Enfin, il faut qu’une étude d’impact contradictoire soit réalisée avant toute exploitation ou recherche ayant des effets sur l’Environnement.

Au lieu de quoi, des courageux sont allés faire une manif devant le Parlement pour des prunes mardi 10 mai. «Pour des prunes» parce que les institutions et la presse se foutent d’eux. Et la révolution?

Jasmins tunisiens, charentaises, ustensiles islandais

Un petit marchand tunisien s’immole, les Tunisiens se lancent dans la révolution. Un salarié français s’immole, les Français restent dans leurs pantoufles (l’ont déjà oublié) en attendant avidement les élections présidentielles. Si jamais c’était la concierge de l’extrême droite, hein, il eusse (sic) été dommage de faire la révolution qui nous aurait fait manqué ça.

Plus humblement, en Islande, les gens se sont plantés devant le Parlement et ont tapé sur des casseroles d’octobre 2008 à janvier 2009 pour obtenir la chute du gouvernement conservateur. En janvier 2010, ils ont rejeté en masse le plan de remboursement des clients de la Landsbanki. En novembre 2010, ils ont obtenu la mise en place d’une Assemblée constituante composée de 25 Islandais ordinaires.

Le politologue russe Boris Kagarliski écrit qu’une nouvelle majorité sociale faite de gens ordinaires qui font des grèves et des manifs deviendra elle-même une force politique:

Quand la nouvelle majorité sociale prendra pleinement conscience de sa force, elle pourra imposer ses revendications à n’importe quel gouvernement quelle que soit son idéologie déclarée.

À bon entendeur, salut. La situation en France me semble être la suivante: Le mouvement contre le gaz de schiste contourné par une loi et récupéré par les partis.


Sources:

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